L'école durkheimienne et l'économie. Sociologie, religion et connaissance

Il distingue ainsi deux programmes chez Durkheim : le premier tient à une critique épistémologique de la science économique fondée sur la nécessité de prendre en considération les institutions de la vie sociale qui déterminent, dans une perspective historique, l'échange économique ; le second programme, formulé plus tardivement, introduit alors l'importance du religieux pour la compréhension du phénomène social, et par là pour l'analyse de la vie économique. On peut néanmoins considérer que le second programme est un prolongement et un approfondissement du premier, puisque le religieux va permettre de reconsidérer chez Durkheim la théorie des institutions sociales ; il est vrai aussi que ce second programme permet une analyse plus spécifique du rôle de certains aspects « religieux » à l'intérieur du domaine de l'économie (rapport par exemple entre « foi » et monnaie). Steiner (qui dépasse ici clairement un rôle d'historien pour, à partir de rapprochements inédits, suggérer des hypothèses nouvelles) est d'établir une analogie entre la description durkheimienne des conditions de l'émulation pédagogique instaurée par l'enseignement des jésuites et la situation des membres des sectes protestantes exposés à la sanction de leurs pairs. On peut donc dire que l'analyse de type durkheimien tend à la fois à dénoncer le caractère inadéquat de la description théorique engagée par les économistes pour rendre compte des comportements effectifs qui peuvent être observés dans la vie économique, et à étudier les mécanismes par lesquels la réalité tend en partie à se conformer à ces prescriptions aussi bien par la diffusion de représentations qui engagent à se comporter d'une certaine manière, que par l'inscription dans les institutions de normes issues du versant normatif de la théorie économique.