S'engager en historienne

« Les Grandes Voix de la recherche », 2024, 75 p. Nous sommes à une époque où les autrices et auteurs parlent souvent d'histoire en évoquant leur vie. Michelle Perrot, première historienne à enseigner l'histoire des femmes en France, ne fait pas exception, pour notre plus grand plaisir. Ce livre aurait pu s'intituler « Du présent au passé », car Michelle Perrot raconte sa vie intellectuelle en y présentant ses travaux de recherche, tous consacrés à des thèmes choisis en fonction d'événements qu'elle a vécus et qui l'ont marquée, comme les guerres : la Première Guerre mondiale (14-18), vécue par son père, qui a dÛ combattre dans les tranchées; la Deuxième (39-45), qu'elle a connue elle-même, période très difficile, surtout sous l'occupation, la « fin de [son] enfance enchantée » (p. 10); et la guerre d'Algérie (54-62). Elle choisit d'étudier la situation des Ouvriers en grève, 1871-1890, la grève représentant, avant le mouvement syndical, notamment, un « mode d'expression pour des gens ordinairement silencieux » (p. 22). Déjà informée du contexte de violence lors d'un séjour en Algérie, en 1951, Michelle Perrot a été très marquée par cette guerre, en particulier par l'affaire Maurice Audin, jeune mathématicien de la Faculté d'Alger, mort sous la torture pour sa prise de position en faveur de l'indépendance. Ce n'est donc qu'au début des années 1970 qu'elle a vraiment pris conscience des inégalités de genre, entre autres via les débats entourant le procès de Bobigny, évoqué plus haut, et la prise de conscience du fait que la libération sexuelle résultant de Mai 68 « ne profitait pas aux femmes, voire [...] renforçait les inégalités» (p. 49), car l'interruption