LA SERENATA PER UN SATELLITE (1969) DE BRUNO MADERNA: UNE "LIBERTE CONTROLEE" POUR UNE "ECOUTE DESORIENTEE" 1

Le cours de l'Histoire et le fil de l'Écoute Au sujet de la réception des œuvres d'avant-garde (en loccurrence musicale, pour ce qui nous concerne), le philosophe Gilles Deleuze n'avait-il pas écrit que "lœuvre d'art moderne na pas de probleme de sens, elle a un probleme d'usage"4? A partir de cette forme de ludus5 attachée aux divers degrés de "liberté contrôlée" de ľ "œuvre ouverte" (ce qu'Hugues Dufourt a fait entrer dans le "culte de Finformel"6), nous aimerions témoigner du fait que de nouvelles stratégies decoute7 sont a mettre en œuvre dans ce genre de "musique contemporaine", la perception subissant, elle aussi, l'aspect plural de la loi du multiple. Ce qui veut dire que l'interprete peut réagir a lui-meme, a son propre son déja transformé, qu'il nest plus un interprete qui exécute une partie donnée unique".10 En tout état de cause, au cœur de cet océan insondable couronnant les vertus fortuites de louie, et a vouloir cerner le siege sensible de la sensation artistique, si le peintre Henri Matisse assurait au soir de sa vie que "voir" devait ressortir d' "une opération créatrice, et qui exige un effort",11 ne faudrait-il pas compléter le propos en affirmant qu' "écouter" demande une saine acuité de tous les sens et de tous les instants? Nous avons alors la possibilité de songer aux partitions américaines initiées jadis par Charles Ives (Halloween - 1906) ou par son éditeur et ami Henry Cowell (Mosaic - 1934)... Tirez une ligne droite et suivez-la".26 Pour le compositeur Dieter Schnebel, il s'agissait la d'un reglement équivoque et implicite, extrait en fin de compte d'un jeu bifide: une "idée a partir de musique", et une "musique a partir des idées".27 Face a ce genre de domino (gestus / ludus) forgé a minima pour inciter a la création sonore, les commentateurs ont parlé de concert d'un moteur acvisation cusant le renouveau de la "conceptualisation de lecriture"28 et dun stimulus suscitant a lenvi le libre jeu actif d'un nouveau registre d' "experience musicale".29 Des textes littéraires, pseudo-philosophiques, des questionnaires universels, des dessins puerils, des plexigrammes enigmatiques ou des codes strictement visuels ont ainsi plus suggere des sons que des formes, invitant librement les instrumentistes a improviser, a communier, a mediter, a reagir, a creer des trames sonores intuitives ou insoupçonnees.30 Face a ce genre de propositions a connotation libertaire, Radosveta Bruzaud a tenu, a bon droit, a rapprocher la source des partitions ve