Dossier : Échos de 1989 dans le monde communiste : Rivalité des modèles et décalage des normes : Réceptions de 1989 dans le monde communiste

1989 est un symbole. À l’instar de 1789, l’année 1989 évoque à la fois des événements et des représentations, à la fois des actes et une certaine idée de leur signification. Les événements, ce sont bien sûr l’effondrement en cascade des régimes communistes d’Europe centrale et orientale et, avec eux, la fin de la division incarnée par le mur de Berlin entre une Europe capitaliste et une Europe socialiste. Les premiers signes de basculement, cette année-là, apparaissent en Pologne, où le pouvoir se résout à s’asseoir autour d’une « table ronde » avec l’opposition afin de négocier une sortie à la crise économique et politique. L’entente conclue autorise la légalisation du syndicat indépendant Solidarnosc et la tenue d’élections quasi démocratiques le 4 juin de la même année. Or, le jour venu, la victoire aussi triomphale qu’inattendue des députés soutenus par Solidarnosc prive le parti dirigeant de toute légitimité et conduit, à la fin de l’été, à la formation d’un gouvernement non communiste. Au même moment, en Hongrie, ce sont les dirigeants eux-mêmes qui prennent l’initiative de convoquer une table ronde avec une opposition encore faible, ce qui permet au parti communiste, au prix d’une conversion officielle à la social-démocratie, de prendre la direction d’un vaste programme de réformes vers la démocratie et le marché. Les exemples de la Pologne et de la Hongrie inspirent à leur tour de vastes manifestations pacifiques en Allemagne de l’Est et en Tchécoslovaquie, où les dirigeants paient chèrement leur refus de longue date des réformes politiques…