Entretien avec Afrânio Raul Garcia Jr. Les frontières internationales des sciences sociales. Itinéraires d’un intellectuel collectif

Les travaux d'Afrânio Garcia ont apporté un regard neuf sur les effets des transformations de l'économie des grandes plantations du Nordeste sur le mode de domination dans le monde rural brésilien, avec le passage de la condition de travailleur dépendant a celui de travailleur libre grâce aux migrations entre le Nord et le Sud brésilien. Les migrations des chercheurs seront par la suite un enjeu et un objet de recherche aussi majeurs, condition d'une émancipation des «catégories de pensée nationales» et d'un certain «bilatéralisme» dont il est question dans cet entretien. Ces travaux n'auraient pas été possibles sans le soutien de Pierre Bourdieu et l'accueil collégial et amical des membres du Centre de Sociologie Européenne (CSE). Le parcours d'Afrânio avait bifurqué dans les années 1990, depuis son recrutement comme maître de conferences a l'EHESS et l'occupation du poste de directeur du CRBC (Centre de Recherches sur le Brésil Contemporain), ayant succédé a Ignacy Sachs, fondateur de ce Centre. Directeur du CRBC, il a œuvré pendant 13 ans pour la fluidification des échanges scientifiques entre le Brésil et la France, dans les deux sens. Ainsi, a sa maniere «ambassadeur du Brésil en France», il s'est senti héritier de son oncle et a pu assurer comme personne d'autre avant le rapprochement entre deux espaces scientifiques exposés différemment aux contraintes de la mondialisation. C'est aussi cette expérience qui lui a permis d'ouvrir un nouveau chantier de recherche sur l'histoire sociale des sciences sociales brésiliennes, et plus particulierement la réflexion sur la place des «pays périphériques» dans les luttes pour l'hégémonie politique et intellectuelle entre les grandes puissances.