Naissance de l'ordre scolaire aux XVIIe et XVIIIe siècles et évolution des représentations psychosociales de l'enfance

Ce texte veut apporter une contribution à l'histoire des rapports que l'institution scolaire et la pédagogie institutionnalisée entretiennent avec certains groupes d'enfants «marginaux», «anormaux» ou «différents» de la masse des enfants réguliers ou dits «normaux». II porte sur l'analyse comparée de l'évolution de deux catégories de représentations: 1) les représentations véhiculées dans l'institution scolaire au sujet de ces enfants «anormaux» et 2) les représentations produites par cette même institution au sujet de l'ordre scolaire et de l'ordre de la normalité pédagogique. La question qui nous intéresse est la suivante: dans quelles conditions et à la suite de quelles transformations l'institution scolaire est-elle devenue susceptible d'intégrer les enfants qui en étaient traditionnellement exclus? Nous pensons que la réponse à cette question peut être partiellement trouvée dans l'émergence de nouvelles pratiques pédagogiques qui vont caractériser l'ordre scolaire européen au XVII e siècle. Nous voudrions montrer dans ce texte que la lente intégration de ce groupe d'enfants dans l'institution scolaire, à la fin du XIX e et au XX e siècle, présupposait déjà une transformation profonde de l'institution scolaire, transformation qui va se mettre progressivement en place aux XVII e et XVIII e siècles. Cette transformation est liée à l'apparition de ce qu'on peut appeler l'ordre scolaire moderne, qui se caractérise par la naissance de nouvelles représentations et de nouvelles pratiques pédagogiques relatives à l'enfance et à son contrôle dans les classes. C'est à la fin du XIX e , mais surtout au XX e siécle, que les enfants «marginaux» vont être intégrés dans l'institution scolaire, principalement dans des classes dites «spéciales». En réalité, cette intégration est le terme d'un long processus, le fruit d'une lente transformation de l'institution scolaire qui débute au XVII e siècle et débouche sur l'avènement de l'ordre scolaire moderne. Celui-ci se caractérise, comme nous tâcherons de le montrer par la suite, par la naissance de nouvelles représentations et de nouvelles pratiques pédagogiques relatives à l'enfance et à son contrôle dans les classes. C'est à cette histoire plus longue que le présent texte est consacré. Il s'agit donc d'une contribution à l'histoire des rapports que l'institution scolaire et la pédagogie institutionnalisée entretiennent avec certains groupes d'enfants «marginaux», «anormaux» ou «différents» de la masse des enfants régulie