Faire son lit pour être un homme: Genre, classes et routine ménagère dans les casernes françaises de la Belle Époque

L'article explore les formes complexes de la domination, exercée dans l'exercice des tâches ménagères, dans les casernes de la Belle Époque. Prendre au sérieux ces activités domestiques revient à inverser l'ordre des évidences : il n'est pas certain – comme le proclame l'institution militaire – que la caserne forme des hommes prêts à se battre pour leur pays ; il est sûr, en revanche, qu'elle les contraint à effectuer quotidiennement des tâches ménagères. Or celles-ci participent à l'emprise disciplinaire exercée sur les soldats en s'appuyant sur la hiérarchie militaire, les identités sociales et les formes de masculinités dans le monde des casernes. Soumis plus que d'autres à ce travail astreignant et dévalorisé, les hommes les moins gradés et les moins instruits trouvent cependant des manières d'infléchir et de renverser ce dispositif contraignant. This article explores the complex forms of domination that were exerted through housekeeping tasks in Belle Époque military barracks. Taking such domestic activities seriously is tantamount to reversing the order of the obvious : while doubt remains as to whether barrack life trains men to be ready to fight for their country (as the military institution proclaims), there is no question that it obliges them to perform housekeeping duties every day. Such tasks contribute to the disciplinary hold exerted over soldiers on the basis of military rank, social identity, and the forms of masculinity found in the world of barracks. The lowest-ranking and leasteducated men, who were subjected more than others to this demanding and demeaned work, nonetheless found ways to soften and subvert this restrictive system.