Litote négative : entre affaiblissement et renforcement du sens

Les définitions traditionnelles de la litote (cf. Beauzée & Marmontel, 1784; Dumarsais, [1730] 1787; Fontanier, ([1827] 1968), ainsi que bon nombre de définitions contemporaines, sont remarquables en ce qu’elles convoquent simultanément deux valeurs apparaissant pourtant comme contradictoires: d’une part, un affaiblissement du sens et, d’autre part, son renforcement. Ainsi, par exemple, dire il ne fait pas chaud reviendrait à affaiblir le sens « il fait froid » dans le but de le renforcer. Ce paradoxe a été remarqué par G. Kleiber, qui a qualifié d’étonnant le processus consistant à « diminuer pour augmenter » (2011: 31). C’est à ce paradoxe que nous souhaitons nous attaquer dans cet article. Après un retour sur la notion de litote et ses différentes caractéristiques, nous nous focaliserons sur les valeurs d’affaiblissement et de renforcement. Nous verrons que le problème, donnant lieu au paradoxe en question, vient d’une confusion entre des notions appartenant à des plans différents, l’un pouvant être qualifié de sémantique et l’autre d’énonciatif. Nous proposerons une analyse prenant en compte cette différence, pour expliquer ce qui, par quels moyens et dans quel but est « affaibli » ou bien « renforcé » dans une expression litotique. Il en découlera la proposition de deux configurations sémantico-énonciatives, correspondant à deux visées communicatives différentes, permettant de motiver la distinction entre deux types de litote: « atténuante » et « emphatique ».