Court-circuitages dionysiaques de la filiation, stérilisation imaginaire et bébés jetés avec l’eau du bain : malaise dans la contre-culture québécoise

La mouvance contre-culturelle québécoise, en affichant un rejet de la figure paternelle et du passé, fait ressortir certaines apories typiques de la modernité. Cet article examine le difficile rapport à la durée et à la transmission qui caractérise plusieurs oeuvres emblématiques en poésie, en particulier celles de Claude Péloquin et de Lucien Francoeur. Dans ces dernières, on voit se profiler un repli progressif vers la transgression instituée, un déclin du présent créateur vers l’image passée de la création personnelle, ce qui amène ces écrivains à remettre en question leur pratique d’écriture et leur statut, et à ressentir un malaise face à leurs successeurs. Ayant maudit la fonction paternelle, ces poètes éprouvent naturellement de la difficulté à devenir eux-mêmes des pères, à manier le capital symbolique acquis précédemment. Par contraste, on pourrait dégager une éthique de la transmission du refus grâce à laquelle, sans renier la phase d’opposition virulente, il s’agirait de retrouver un sens à la « famille », littéraire autant qu’humaine.