L’intégration d’étrangers dans la santería et le culte d’Ifá à La Havane: Enjeux sociaux et micro-politiques, dynamiques rituelles

La santería et le culte d’Ifá cubain connaissent une situation d’expansion croissante. Depuis les années 1990, nombreux sont les étrangers, (Latino‑)Américains ou Européens, qui se rendent dans l’île à des fins initiatiques et rituelles. Cet article se propose de considérer les implications de ce phénomène sur les pratiques locales. Il revient ainsi sur les logiques qui guident la construction d’une trajectoire de spécialiste pour ensuite envisager la façon dont l’intégration d’étrangers dans la pratique influe sur la construction interactionnelle, parfois concurrentielle, des statuts personnels de même que sur le développement des relations à soi et aux autres chez les prêtres de la santería et d’Ifá. Deux échelles d’analyse sont dégagées pour cela : celle du « commun » des initiés, celle d’« élites » érudites et/ou politisées. Toutes deux permettent non seulement d’appréhender certaines dynamiques de pouvoir mais aussi de mettre en évidence des logiques structurelles d’innovation et d’intenses processus réflexifs. Inhérents à la dynamique du culte, ceux-ci se voient en partie favorisés par cette nouvelle situation. Since the 1990s, Cuban santería and Ifá (also called ‘complex of ocha-Ifá’) have been undergoing a significant expansion. A growing number of American and European foreigners visit the island for initiatory or ritual purposes. Based on a detailed ethnography stemming from a field study conducted during the 2000s (mostly in Havana), this paper offers an extensive overview of this phenomenon, focusing on its effects on the ritual and discursive practices of Cuban santeros and babalaos (santería and Ifá priests). After considering the internal logic involved in the construction of a priest’s career, it examines how the integration of foreigners influences the interactional construction of religious statuses and the development of specific relationships to oneself and to others in connection with local ‘empowerment’ rationales. Two levels of analysis are distinguished: that of the ‘common’ initiates and that of erudite and/or politicized ‘elite’ groups. Both highlight not only the rivalries at play in the Afro-Cuban religious field, but also the intense critical and reflexive attitude that santeros and babalaos maintain towards their own practice, as well as some of the innovative logic inherent to this world but intensified by this new situation. In particular, the paper argues that the bonds Cuban priests establish with foreigners—through ritual