Toxidermies graves à l’allopurinol : expérience du centre régional de pharmacovigilance de Sousse

L’allopurinol est un médicament largement prescrit dans le traitement de l’hyperuricémie symptomatique. Habituellement bien toléré, mais des réactions d’hypersensibilité parfois sévères sont décrites. Analyser les aspects épidémiologiques, cliniques, chronologiques et évolutives des toxidermies graves induites par l’allopurinol. Étude descriptive, rétrospective portant sur tous les cas des effets indésirables cutanés à l’allopurinol notifiés au service de pharmacovigilance de Sousse, sur une période de 11 ans, allant du mois de janvier 2010 au mois de décembre 2021. L’imputabilité médicamenteuse a été établie selon le score de Naranjo. Nous avons recensé 34 cas de toxidermie grave à l’allopurinol, il s’agissait de 21 femmes et 13 hommes (sex-ratio [F/H] 1,62), d’âge variant de 14 à 98 ans. L’allopurinol était prescrit pour hyperuricémie asymptomatique dans 38,2 % des cas. Les toxidermies observées étaient : 21 cas de DRESS (61,7 %), 9 cas de syndrome de Lyell (37,5 %), 3 cas de vascularites et un cas de syndrome de Stevens–Johnson. Une atteinte rénale a été objectivée chez 25 patients (7 cas Lyell, 18 DRESS) avec des chiffres de créatinine variant entre 122 et 1010μmol/L. L’évolution était favorable chez 28 patients après arrêt de l’allopurinol. Six patients ont décédé (1 DRESS et 5 Lyell). Le délai de survenue des toxidermies variait de 7 jours à 1 an. L’imputabilité médicamenteuse était probable chez 33 patients (97,1 % des cas) et certaine chez un patient (réintroduction accidentelle positive). L’allopurinol est la première cause de toxidermies bulleuses graves et l’un des premiers pourvoyeurs de DRESS syndrome dans le monde. L’incidence des toxidermies graves à l’allopurinol est estimée à 1 cas pour 2000 nouveaux patients traités, et survenant le plus souvent au cours des deux premiers mois du traitement, avec parfois une issue fatale. Nous mettons l’accent à travers ce travail sur cette molécule hypourécimiante dont l’usage devient de plus en plus courant et parfois prescrite de façon abusive. Une meilleure information des médecins permettrait d’améliorer la qualité de prise en charge des patients présentant une toxidermie grave à l’allopurinol.