UN RÉGIME CONTRE LA CORRUPTION : PERSPECTIVES ALIMENTAIRES SUR LES FEMMES FRANÇAISES AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE

Le corps masculin à l’époque des Lumières était une entité pensée manipulable, capable en théorie de se perfectionner sous un régime alimentaire bien choisi. Pour les femmes, par contre, il n’était pas question de perfectibilité. Pour ces fragiles créatures, le but, moins ambitieux, était simplement de freiner ou retarder une corruption qui était considérée comme naturelle pour le corps féminin, plus délicat que son homologue masculin. Se fondant sur un croisement de sources littéraires et scientifiques, cet article se donne pour but d’analyser les conseils alimentaires pour les femmes au dix-huitième siècle et de les contraster avec ceux qui étaient destinés aux hommes. Il en ressort deux visions différentes, voire opposées. Si l’homme peut, en raison de ce qu’il mange, vaincre et surpasser ses défauts physiques et moraux, la femme dans l’imaginaire scientifique de l’époque semble enchainée à un corps faible et sensible. Bien que les femmes n’exerçaient pas le même contrôle sur leurs choix alimentaires que les hommes, leur tâche était d'éviter la corruption morale plutôt que de se maîtriser de la manière de « l'honnête homme ». Cet article examine les sources littéraires et philosophiques du XVIIIe siècle pour dresser un portrait de l’alimentation du corps féminin idéal, et compare ces images avec les conseils donnés dans des textes qui traitent de l’éducation des filles. Il en ressort une lutte contre la « corruption » des corps féminins - parfois au sens littéral du terme, puisqu’on disait que certains aliments pourrissaient dans le système digestif, mais le plus souvent dans une lutte symbolique contre l'excès, l’appétit et les mauvaises influences.